lundi 20 avril 2009

Emprunter malgré la peur du chômage

Quelles garanties offre réellement l'assurance perte d'emploi ?
Pas étonnant par les temps qui courent : " Depuis quatre ou cinq mois, les emprunteurs nous questionnent beaucoup sur l'assurance perte d'emploi ", confirme Ari Bitton, président d'AB Courtage. La conjoncture a ôté toute visibilité à la plupart des particuliers. Quand on s'apprête à emprunter sur 20 ou 25 ans, souscrire un contrat d'assurance perte d'emploi paraît une sage précaution. C'est un revirement spectaculaire, car cette garantie était finalement assez peu souscrite ces dernières années. Il est vrai qu'elle n'a rien d'obligatoire. En outre, elle est jugée, selon les uns, peu protectrice et, pour les autres, trop chère au regard de l'étendue réelle de sa garantie.

" Son coût est effectivement loin d'être neutre pour l'emprunteur ", concède Alain Todini, directeur général de Credixia. Il n'empêche, avec la remontée fulgurante du chômage, les candidats à l'emprunt la regardent d'un autre oeil. Mais tous peuvent-ils y souscrire ? Rien n'est moins sûr. Selon l'âge, le métier, l'établissement prêteur, le délai à courir par rapport au préavis de licenciement, les conditions varient du tout au tout.

Pour les salariés uniquement
L'assurance perte d'emploi concerne exclusivement le chômage consécutif à un licenciement individuel ou collectif, tout autre cas étant exclu (la démission, par exemple, ou le renvoi pour faute grave). Pour souscrire à la garantie, des conditions d'âge sont aussi requises. Chez AFI Europe, par exemple, il ne faut pas avoir plus de 50 ans. La limite est fixée à 56 ans pour le contrat proposé par la banque LCL, tandis qu'elle s'établit à 59 ans chez Mutlog. De même, à la Société Générale, il faut avoir moins de 60 ans. Il faut en outre être salarié, de façon à pouvoir prétendre aux allocations chômage du Pôle emploi. Autrement dit, professions libérales, commerçants, artisans, exploitants agricoles ou travailleurs indépendants ne peuvent y accéder.

Autre condition d'importance, la souscription est réservée aux salariés pouvant justifier d'un contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Mais ce n'est pas tout : il faut travailler dans la même entreprise depuis au moins 6 mois ou 1 an. Cependant, certains contrats sont ouverts aux salariés en contrat à durée déterminée (CDD). " Les assurances perte d'emploi ont longtemps été réservées aux seuls titulaires de CDI, explique-t-on chez CNP Assurances, mais l'évolution du marché de l'emploi et l'augmentation des contrats courts ont incité les assureurs à proposer de nouveaux produits accessibles aux personnes en CDD, en période d'essai de CDI ou aux intérimaires. " Chez LCL, les CDD de plus de 3 mois à temps complet sont éligibles. Mais attention, " si la garantie était mise en oeuvre, l'assuré devrait justifier d'un CDI au moment de son licenciement ", précise la banque.

Et puis, il faut encore compter avec cette précision qui, ces temps-ci, n'a rien d'un détail : l'assurance perte d'emploi ne peut être contractée en période de préavis de licenciement, pas plus qu'en phase de démission ou de préretraite.

Attention aux délais de carence
Du côté des garanties, l'offre se révèle très diversifiée. Ce qui rend d'autant plus délicate la comparaison entre contrats. Mais, en règle générale, il faut savoir que l'assurance perte d'emploi ne se déclenche qu'après deux délais : un délai de carence qui démarre à la date de signature du contrat, durant lequel la garantie ne peut être mise en oeuvre. En cas de chômage au cours de cette période, aucun droit aux indemnités prévues par la garantie n'est possible ! Selon les compagnies, ce délai de carence peut s'étaler sur 3 mois (Mutlog), 6 mois (April) ou 12 mois (AFI Europe). Passé ce premier délai, la garantie démarre réellement.

Pour autant, cela ne signifie pas qu'en cas de chômage, le souscripteur sera indemnisé immédiatement. Il y a, en effet, un second délai, dit de franchise, qui part de la date de début d'indemnisation par le Pôle emploi. A l'issue de cette période, qui s'établit le plus souvent entre 90 jours et 120 jours, intervient enfin la prise en charge... A condition que l'assuré soit encore au chômage, bien sûr !

A ces délais, il faut ajouter un autre élément de nature à faire réfléchir avant de signer : c'est la durée d'indemnisation. Là aussi, les disparités sont fortes entre assureurs. Elle peut osciller entre 12 et 36 mois selon les contrats. A la Société Générale, par exemple, elle est limitée à 21 mois par événement. Autrement dit, l'emprunteur peut bénéficier plusieurs fois de la garantie au cours du remboursement de son prêt. Si, par malchance, il subit un deuxième licenciement, il peut à nouveau être indemnisé. Encore faut-il qu'il ait retrouvé, entre-temps, un emploi en CDI (au moins 1 an chez le même employeur). Chez LCL, la durée d'indemnisation dépend de la durée d'activité en CDI ou en CDD. Si l'assuré est en poste depuis moins de 360 jours, il n'a droit à aucune indemnisation. Entre 360 et 540 jours, il bénéficie d'une indemnisation de 180 jours et, au-delà de 540 jours, de 360 jours. Même principe au Crédit Foncier : si la durée d'activité est inférieure ou égale à 12 mois, il n'y a pas d'indemnisation. Entre 12 mois et 18 mois, l'indemnisation court pendant 180 jours et, au-delà de 18 mois, elle est portée à 360 jours. Les contrats de ces deux banques prévoient la reconstitution des droits à indemnisation sous certaines conditions. Chez April, le contrat prévoit l'indemnisation au maximum de deux périodes de 18 mois de chômage.

Indemnisations toujours partielles
Quant au montant de la prise en charge, les contrats diffèrent également. Dans certains cas, l'indemnisation est fixe. C'est le cas chez April et au Crédit Foncier (contrat AXA), chez qui l'indemnisation s'élève à 50 % de la mensualité. Même chose chez AFI Europe, qui verse, pour sa part, 75 % de l'échéance (plafonnée à 1.500 euros). Chez d'autres assureurs, l'indemnité est progressive. Par exemple chez Mutlog, où l'assuré bénéficie d'une prise en charge de la mensualité à hauteur de 40 % les 6 premiers mois, 70 % les 24 mois suivants et 100 % les 6 derniers mois. Avec le contrat proposé par LCL, l'assuré choisit l'indemnisation : 50 % ou 75 % de l'échéance en fonction de la prime qu'il souhaite payer. Même principe à la Société Générale (30 % et 60 % d'indemnisation possibles). Attention : dans la plupart des cas, il existe un montant plafond d'indemnité journalière, souvent fixé à 64 euros.

Un coût non négligeable
Reste la question du coût de l'assurance perte d'emploi, qui se révèle plutôt dissuasif. Il tourne autour de 25 euros chez April, qui fait évoluer son tarif de 10,92 euros à 45,48 euros par mois (prêt inférieur à 230.000 euros) selon le niveau d'études du souscripteur, les plus diplômés étant bien entendu les mieux lotis. Chez LCL, le tarif s'établit à 50 euros par mois (indemnisation de 50 %) ou 75 euros (75 %). Au Crédit Foncier, il s'élève à 1,65 euro par tranche de 10.000 euros empruntés, soit 24,75 euros pour un prêt de 150.000 euros ou 33 euros pour 200.000 euros.

COLETTE SABARLY