Z1 LES FURETS

vendredi 21 septembre 2007

L'Euro fort !!!

L'euro, combien de divisions ? En recul, depuis plusieurs semaines face à la monnaie européenne, le dollar a chuté vendredi à son plus bas niveau depuis un an et demi, franchissant le seuil de 1,30 dollar pour un euro. Qu'elle soit ou non confirmée cette semaine, cette glissade - 11 % depuis le début de l'année - est en tout cas suffisante pour avoir rouvert, ces derniers jours, le débat sur l'euro fort, trop fort. Une bonne partie des responsables politiques français ont donné de la voix, de Laurent Fabius à Dominique de Villepin et de Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal, pour s'inquiéter du prix payé par l'économie - l'unanimité est plus facile dans le domaine monétaire que sur la compétitivité, où elle serait pourtant nécessaire. Et dénoncer, comme il se doit, l'attitude de la Banque centrale européenne, accusée de se préoccuper de la lutte contre l'inflation, mais nullement de la croissance et de l'emploi.

La montée de l'euro face à la monnaie américaine, au yen et, par voie de conséquence, au yuan chinois n'est évidemment pas sans effet sur le plan économique, bien au contraire. Pour schématiser, elle favorise le consommateur, qui voit sa facture pétrolière diminuer et peut acquérir des biens de consommation importés à bas coûts ; elle pénalise en revanche les entreprises qui affrontent une concurrence plus dure sur notre territoire (celle des constructeurs automobiles japonais, par exemple) ou qui ont plus de mal à exporter (Airbus et les produits de haute technologie). Au total, estiment les économistes, l'effet est légèrement défavorable.

Pour autant, faire de l'euro fort le bouc émissaire des difficultés de la France, dont la croissance est inférieure à celle de la moyenne de la zone euro (2,6 %), est un peu facile. Les échanges commerciaux de l'Hexagone se font à nettement plus de la moitié en euros et ne sont donc pas concernés par les mouvements de change. Malgré eux, l'Allemagne affiche d'ailleurs des excédents extérieurs considérables - 150 milliards d'euros sur un an - que ne suffisent pas à expliquer les délocalisations de production dans les pays de l'est de l'Europe. Comme le rappelait le chef économiste du Crédit Agricole, Jean-Paul Betbèze, dans ces colonnes la semaine dernière, la France enregistre ses déficits les plus importants avec Berlin et Pékin, le premier ne tenant pas à l'euro, le second tenant au yuan.

Mais l'important, c'est aussi de savoir si les critiques exprimées sur le niveau de l'euro sont efficaces et si elles peuvent faire avancer la cause de l'Europe pour qu'elle devienne, dans ce domaine, actrice et non plus seulement spectatrice, tandis que les Etats-Unis et la Chine organisent leur politique de change en fonction de leurs intérêts propres. La réponse est connue : c'est non, en tout cas actuellement. La France est pour l'instant presque la seule à s'en prendre ainsi à la BCE. L'Allemagne notamment, dont le poids politique va s'accroître avec son retour à meilleure fortune économique, ne la suit pas dans cette direction. C'est bien la capacité des membres de la zone euro, qui n'ont pas fait de l'Eurogroupe le centre de pouvoir attendu, à tenir un discours commun, à rapprocher leurs politiques budgétaire, fiscale et structurelle qui est en cause. L'euro, combien de divisions ? Trop encore.

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